En 2005, lorsque la plateforme de vidéos en ligne YouTube a été créée, les vidéos scientifiques étaient rares et généralement produites par des universités pour partager des informations sur les recherches en cours. Cependant, en 2009, un nouveau type de vidéos scientifiques est apparu sur la plateforme. En effet, grâce à la démocratisation de la technologie, bon nombre de passionnés de sciences se sont mis à réaliser du contenu et ont rapidement attiré un large public.
Aujourd'hui, YouTube est l'une des plateformes les plus importantes pour la vulgarisation scientifique, offrant une vaste gamme de chaînes de diffusion qui couvre une infinie variété de domaines.
La chaîne YouTube Sciences de comptoir est l’une d’elles. Lancée en 2015 et réalisée par Valentine Delattre, son contenu a su se démarquer et s’ancrer dans le paysage français de la vulgarisation scientifique. Après avoir obtenu son diplôme en biologie, elle a décidé, comme de nombreuses personnes avant elle, de partager ses connaissances scientifiques avec un public plus large en créant sa chaîne, qui totalise aujourd’hui presque 100 000 abonnés. En plus de sa chaîne YouTube, Valentine a participé à la série Vortex de la chaîne documentaire Arte et réalise elle-même des reportages et des interviews pour Sciences et Avenir. Elle a publié de nombreuses vidéos populaires, couvrant une variété de sujets tels que la biologie, la géologie, la physique et l’astronomie.
L'une des clés du succès de la chaîne Sciences de comptoir est l'humour et la dérision de Valentine Delattre. Son humour se caractérise par des mises en scène comiques, des commentaires sarcastiques sur des sujets d’actualité ou des expériences scientifiques, ainsi que des comparaisons drôles, inattendues et absurdes pour expliquer des concepts complexes. Elle utilise également des images et des animations issues de la culture du web pour renforcer son message et le rendre audible pour les son public, qui a en majorité entre 15 et 35 ans. Elle utilise aussi un langage simple et concis pour expliquer des concepts complexes, ce qui en fait un choix idéal pour les débutants dans ces domaines.
Elle s'inspire également de personnalités telles que Neil deGrasse Tyson, Carl Sagan, et Brian Cox, qui sont considérés comme des pionniers de la vulgarisation scientifique. Elle prend également des notes sur leur style de narration et la façon dont ils utilisent leur iconographie pour appuyer sur certains points-clés. Lors de ses vidéos, elle relie toujours les concepts scientifiques qu’elle explique aux problèmes sociaux et environnementaux qu’ils peuvent engendrer.
La vidéo la plus populaire de sa chaîne Youtube est “🌱La SOLUTION pour SAUVER LE CLIMAT🔥 (personne n'y avait pensé)” sortie le 21 avril 2022. Elle y analyse l’impact écologique de la plantation de forêts par les entreprises, les gouvernements et les ONG, pesant les pour et les contres de cette pratique marketing très populaire et quasi systématique aujourd’hui.
Elle commence par détailler l’histoire de la pratique de plantation d’arbres, en introduisant son sujet face caméra. Valentine poursuit son développement avec une iconographie d’exemples comportant des images libres de droit issues du site internet Shutterstock, mêlées à des captures d’écran de sources scientifiques d’universités prestigieuses. Cela crée alors un décalage comique et met en perspective les informations données. On y apprend notamment que bien que partant d’une donnée réelle (les forêts en pleine croissance capturent plus de CO2 qu’elles n’en émettent), planter des forêts peut s’avérer inutile voire néfaste pour l’environnement suivant la manière dont cela est réalisé.
Valentine détaille et argumente différents éléments qu’elle a récolté au fil de ses lectures, point par point : lorsqu’une forêt est plantée dans un écosystème déjà existant (steppes, savane, prairies…), cela détruit la biodiversité déjà présente ; l’introduction d’arbres exotiques peut contribuer à faire disparaître des espèces déjà menacées ; en Chine, les arbres sont plantés en monoculture dans des endroits arides, ce qui n’offre pas de diversité et accroît le risque d’incendie ; s’il n’y a pas d’entretien de la forêt plantée, seuls 10% des arbres survivent après une dizaine d’années ; et dans les pays en voie de développement, l’avis des populations locales est souvent ignoré et ils sont expropriés de leurs terres…
Après son développement d’une quinzaine de minutes entrecoupé d’exemples concrets et de schémas animés, elle récapitule ses arguments-clé tout en y apportant des nuances. Valentine affirme qu’il serait simpliste de penser que planter des arbres permettrait de contrer le changement climatique, car c’est une solution souvent inadéquate du point de vue social, économique et environnemental. Elle rappelle que le GIEC appuie sur le fait que la plantation d’arbres est un outil parmi d’autres, et que des solutions plus efficaces existent : moins brûler de combustibles, consommer moins d’énergie, réaliser des initiatives contre la déforestation, laisser les forêts récemment détruites se régénérer seules. Valentine donne aussi des conseils à son public concernant le greenwashing, car les initiatives concernant la plantation d’arbres n’est pas toujours à jeter. Elle les invite à vérifier si les arbres qui seront plantés sont des espèces natives, s’il y a une grande variété d’arbres plantés, si c’est une zone qui a été déforestée par le passé, et si la population locale participe à cette initiative.
En conclusion, la chaîne Sciences de comptoir est un exemple de la croissance de la vulgarisation scientifique sur Youtube. Le succès de la chaîne est en grande partie attribuable à la personnalité et à l’humour de Valentine, qui utilise des comparaisons comiques, des mises en scènes absurdes et des images populaires sur le web pour rendre des concepts complexes accessibles au public. La vidéo la plus populaire de la chaîne aborde l'impact écologique de la plantation de forêts, en utilisant une iconographie variée et son sens de l’humour pour renforcer son message et décrypter les pours et les contres de cette pratique. La chaîne Sciences de comptoir est ainsi un excellent exemple de l'utilisation de l’humour et de la culture du web pour faire passer un message scientifique important.
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